L'HISTOIRE DU POLO

Mais autant qu’aux historiens, c’est aux poètes que l’on doit de nous rapporter les échos de la fabuleuse épopée du jeu de polo à travers les âges. Au Xème siècle, le grand poète persan, Fidursi, évoque dans son “Livre des rois”, véritable histoire de la Perse, un tournoi ayant opposé, quelques siècles plus tôt, sept cavaliers persans à sept turcs. Un prince, du nom de Siawusch aurait frappé la balle avec une telle vigueur qu’il aurait, dit le poète, “fait voir la lune de près”.

Un autre poète persan, nommé Arifi, a écrit une ode allégorique sur le jeu princier : “L’homme est une balle lancée dans le champ de l’existence Conduite ça et là par le maillet de la destinée Que manie la main de la providence …”. En effet, une grande partie de la littérature persane ancienne abonde de références au chaugan* et de métaphores inspirées du jeu. Au XIIème siècle, Nezami, l’un des poètes majeurs de son temps, se sert de l’image du polo pour évoquer la vie : “La limite de ton terrain de polo est l’horizon. La balle sur la courbe de ton maillet, est la Terre. Avant de n’être plus que poussière, galope et force le pas de ta monture, car le monde t’appartient”.

*Le chaugan est le nom perse du polo. Il signifierait « maillet ».

Héritage architectural de cette passion de la Perse pour le jeu de polo, on peut admirer à Ispahan, capitale au XVIème siècle du royaume Séfévide, les restes d’un terrain de polo. De part et d’autre de la “place du Shah”, longue de 274 mètres (la taille d’un terrain d’aujourd’hui), se dressent deux ensembles de deux piliers de pierre représentant les buts, espacés de 7,5 mètres ! C’était le terrain de polo royal. Sur l’un des côtés, au niveau de la ligne de milieu, on éleva les sept étages du palais Ali Quapu, des galeries desquelles on pouvait assister aux matchs.
De Perse, le polo allait s’étendre en Arabie et au Tibet. Là se forge le nom sous lequel il est connu aujourd’hui : on l’appelait alors “pulu”, du nom de la racine, peut-être celle du saule, dont la balle était faite. De là, il se répandit jusqu’en Chine et au Japon, où il rencontra un grand succès.

“Piétinement d’une centaine de chevaux galopant ensemble, piaffant côte à côte ; la balle bondit, le maillet la dirige, au coeur de la chevauchée. De cuir rouge leurs brides, d’or jaune leurs mors. Les cavaliers inclinent le corps, courbent le bras autour du poitrail de leur monture. Un coup de tonnerre répond au mouvement de la main, et la perle divine entame sa course.” Ainsi le poète Han Yu exprime avec emphase son admiration pour le jeu magique. Nous sommes à l’époque de la dynastie chinoise des T’ang, qui allait, entre les années 618 et 907, faire de la Chine l’empire le plus grand et le plus puissant de la Terre. Ici, comme il l’a souvent été ailleurs, le polo est considéré comme le meilleur entraînement des guerriers. Comme en Perse, il est la discipline favorite de l’élite. Peintres et graveurs, miniaturistes et sculpteurs emboîtent le pas aux écrivains et aux poètes. Le polo inspire l’art.

VOYAGE à TRAVERS LE TEMPS
De retour de Chine, poursuivons notre voyage à travers le temps et les vastes plaines du Proche et du Moyen Orient.

Nous sommes en Grèce au XIIème siècle. L’empereur Manuel 1° Comnène (1118-1180), diplomate habile et courageux guerrier, joue avec les princes byzantins et les nobles de sa cour. Cinnamus, historien byzantin, nous a laissé une description fort vivante du polo de cette époque : “Le jeu se déroule sur un terrain spécial. Une balle en cuir, de la taille d’une pomme, est lancée en l’air. A ce moment, comme s’ils se disputaient un trophée, les joueurs se mettent à galoper le plus vite possible. Chaque cavalier tient dans sa main droite un maillet de longueur moyenne. Chaque camp s’efforce de conduire la balle au-delà des lignes adverses.”

Pas plus que la Grèce, l’Egypte n’échappe pas à la magie du polo. L’auteur arabe Nakrisi explique dans sa “Description du Caire et de l’Egypte” comment le noble sport prit racine dans l’Egypte des Sultans, peu après la conquête du pays par les puissantes familles musulmanes, notamment grâce à El Nacer, qui s’intéressa particulièrement à tout ce qui concernait le cheval, son élevage et les jeux équestres. L’historien précise que de nombreux terrains réservés à ce que l’on appelait alors la “balle à cheval” étaient aménagés à proximité des palais.

Au début du XIIIème siècle, Gengis Khan, fondateur de l’empire mongol, conquiert l’Iran et pénètre en Afghanistan. De ses campagnes en Asie mineure, il rapportera gloire et fortune, mais aussi le jeu de balle à cheval, dont il favorisera la pratique assidue chez ses meilleurs guerriers. Près d’un siècle et demi plus tard, son héritier spirituel et continuateur, Tamerlan, le vainqueur de la Horde d’Or, ordonnait à ses cavaliers, dit la légende, de jouer au polo avec la tête de ses ennemis.

Importé, de l’ouest par les envahisseurs musulmans, de l’est par les Chinois, le polo atteint enfin l’immense territoire indien. On en découvre les premières traces en Inde au XIVème siècle. Akbar le Grand, empereur moghol de l’Inde (1542-1605), souverain élevé en exil en Afghanistan, en fut un adepte fervent. 

À Agra, en Inde du nord, on peut encore admirer ses grandes écuries de polo. Dans le “Aïn-i-Akbari”, volume des mémoires d’Akbar rédigé par l’historiographe Abû Fazl, il apparaît nettement que le chaugan est devenu un passe-temps des plus appréciés. Si certains observateurs n’y voient qu’un simple divertissement, d’autres le considèrent comme un merveilleux mode d’instruction : formation de l’esprit de décision, apprentissage de la vitesse, violence du combat … Il permet de tester la valeur d’un homme, de révéler sa personnalité. En outre, il consolide et renforce les liens d’amitié. Akbar est sans rival dans la pratique du polo. Il organise même parfois des parties nocturnes. On se sert alors de balles faites d’un bois à combustion lente. Enflammées, elles irradieront fortement et illumineront le jeu. pour magnifier encore la partie, il arrive que le roi fasse fixer des morceaux d’or à l’extrémité de son maillet. Si certains se détachent au cours du jeu, ils pourront être ramassés par le premier joueur qui les trouvera.

Lorsque l’empire moghol entame son déclin, le polo n’est plus pratiqué que dans certaines régions perdues de l’Hymalaya, proches des frontières indienne et tibétaine : Ladakh, Astor, Balistan et Gilgit. C’est à Silchar, dans l’Etat de Malipur, à la frontière de la Birmanie, que des colons britanniques, planteurs de thé établis à Calcutta, l’y découvrent vers 1854. Quelques années plus tard, le polo allait être ramené en Europe par les régiments de cavalerie britanniques ayant séjourné dans l’empire des Indes.

 

L'occident découvre le polo

“We must learn this game”, s’écria Joé Sherer, considéré comme le père du polo britannique. Joé Sherer est lieutenant, attaché à l’armée du Bengale, lorsqu’il assiste pour la première fois à une rencontre de polo. Ainsi, sous son impulsion, le premier polo-club allait voir le jour. C’était en 1859, à Silchar. De Silchar, la découverte se propagea rapidement à l’ensemble des régiments anglais de l’Inde.

Quelques années plus tard, en 1863, toujours sous l’influence de Joé Shirer, fut créé l’important Calcutta Polo Club, qui peut s’enorgueillir d’être le plus ancien club de polo encore en activité. L’année suivante, toujours plus passionné par ce nouveau sport qu’il avait contribué à développer au sein de l’armée, Sherer allait conduire de Silchar à Calcutta – alors distantes de deux journées de voyage – une équipe nommée “The Band of Brothers”. Celle-ci infligea une défaite à la formation de Calcutta, de peu d’expérience et dotée d’une plus faible cavalerie. Les Brothers transmirent cependant à leurs adversaires une partie de leur technique et acceptèrent de leur céder quelques-uns de leurs meilleurs poneys. Dès lors, le jeu allait s’étendre de façon extrêmement rapide. À la fin du XIXème siècle, on ne comptait pas moins de 175 polo-clubs sur tout le sous-continent indien.

La première partie de polo disputée en Europe, se déroula en 1869 à Hounslow Heath – Middlesex, en Angleterre – entre le 10ème Hussards et le 9ème Lanciers. A cette époque huit cavaliers composaient chaque équipe, les règles étant pratiquement inexistantes et le jeu se répartissait en seulement deux longues périodes pour près de quatre-vingt-dix minutes de jeu.

Aux Etats-Unis, fin 1876, on joue les premières parties amicales à Manhattan, à la Dickels Riding Academy. En 1877, le premier polo-club nord-américain, le Wetchester Polo Club est formé. La première rencontre internationale, la Wetchester Cup fut disputée à Rhode Island en 1886. Opposant la Grande Bretagne aux États-Unis, elle s’acheva sur une victoire de l’équipe britannique de Hurlingham.

Poursuivant son chemin, la passion pour ce nouveau sport, vint s’établir en Amérique australe. En Argentine, le polo est accueilli avec d’autant plus d’enthousiasme que dans les estancias isolées au coeur de la pampa, où il est une passionnante distraction pour le maître et ses gauchos. Ainsi, pour les besoins du polo, les meilleurs cavaliers du monde commencent à dresser de petits chevaux à demi-sauvages, vifs et endurants. Dès lors, allaient commencer à partir pour l’Europe des bateaux chargés de ces chevaux criollos, qui sont encore aujourd’hui les meilleurs poneys de polo du monde.

En France, le premier match se joue à Dieppe : une équipe française, emmenée par le duc de Guiche, rencontre une formation britannique. Nous sommes en 1880. L’épopée du polo français vient de commencer.

En 1875, fut fondée la Hurlingham Polo Association, qui allait entreprendre une codification progressive du jeu. Il faudra attendre 1883 pour que le nombre de joueurs soit réduit à cinq, puis à quatre, et en 1888 pour qu’apparaisse le système des handicaps, destiné à rétablir l’équilibre entre des équipes de niveau différent. Un tel succès n’allait pas tarder à s’étendre à d’autres pays, à commencer par ceux de l’empire britannique : Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Australie et même Gibraltar ainsi que l’île de Malte.

L'abcédaire du polo

Arbitre : Deux arbitres à cheval au plus près du jeu et un troisième arbitre présent sur le bord du terrain, que l’on consulte en cas de désaccord sur une décision.

Balle : Blanche, en plastique ou en bois, elle pèse 120 à 130 g et a un diamètre de 76 à 89 mm. En indoor ou sur terrain d’hiver elle est en cuir gonflée, son poids est alors de 180 g, et son diamètre de 115 mm. Pour la neige, elle peut aussi être en plastique souple et gonflée.

Casque : obligatoire et indispensable pour se protéger des coups, de la balle et d’une éventuelle chute. Il est possible de le munir d’une grille pour protéger le bas du visage.

Dribbling : Geste qui sert à contrôler la balle, la replacer, éliminer un adversaire ou finaliser une approche au but. Il permet aussi d’éviter un accrochage de maillet tenté par un adversaire se trouvant derrière soi.

Equipe : Deux équipes composées de 4 joueurs s’affrontent. Le n°1 est l’attaquant, le n°2 est le milieu offensif, le n°3 est le pivot ou milieu défensif tandis que le n°4 est le défenseur. Durant un match, les joueurs des deux équipes se marquent en permanence.

Fédération Française de Polo : 37 clubs y sont affiliés dans lesquels évoluent 700 joueurs (chiffres de 2021).

Goal : Représente la somme des handicaps d’une équipe (ex : tournoi 4/6 goals). Le terme est aussi utilisé lorsqu’un but est marqué.

Handicaps : Les joueurs sont classés et reçoivent un « handicap » qui matérialise leur niveau de jeu. Les débutants commencent au handicap – 4 et les meilleurs joueurs mondiaux culminent au handicap 10. Le handicap d’une équipe est la somme algébrique des handicaps de ses joueurs. Le niveau d’un tournoi est déterminé par la fourchette des handicaps des équipes admises à participer.

Indoor : Le polo indoor se joue dans un manège et met en présence deux équipes de trois, voire deux, joueurs. Les dimensions réglementaires d’un terrain de polo indoor sont au maximum de 120 m de long et 75 m de large. Les balles utilisées sont généralement en cuir, d’un diamètre de 11,5 cm. Le match est divisé en périodes qui peuvent être inférieures à 7 mn.

Jeux Olympiques : Le polo fut une discipline officielle des Jeux Olympiques lors de cinq olympiades: 1900, 1908, 1920, 1924 et 1936.

Kyrgystan, Ouzbekistan et Afghanistan ont élevés au rang de sport national le Buzkashi, une pratique sportive se rapprochant du polo. C’est un sport qui se joue aussi à cheval, mais la “balle” est en réalité le corps d’une chèvre. Tous les coups sont permis afin de la récupérer. Une ligue nationale existe même.

Ligne de la balle : Dès que la balle est en jeu, lancée par l’arbitre, frappe ou tentée d’être frappée par un joueur, il existe une ligne imaginaire créée, soit par la trajectoire de la balle, soit par la direction du déplacement de celui qui a tenté de la frapper. Lorsque la balle s’arrête, la ligne est et reste la trajectoire qu’elle avait avant de s’arrêter. Cette ligne ou trajectoire de balle détermine deux couloirs prioritaires.

Neutraliser : Au cours des phases lentes ou ralenties, il est possible de neutraliser un adversaire pour l’empêcher d’accéder à la balle ou un partenaire. On ne doit cependant en aucun cas se placer en travers de la trajectoire de l’adversaire, seulement se focaliser sur lui.

Open : Telle est la dénomination des tournois dans lesquels la difference de handicaps entre deux équipes n’est pas prise en compte dans le score. Le tout dans une fourchette de handicaps bien définie (exemple: 8/10 goals).

Petisero : il est ce qu’on appelle le groom au sein du milieu équestre. Il est celui qui soigne et fait travailler les chevaux, en amont, pendant et après les matchs.

Queue : La queue du cheval est tressée et nouée pour ne pas le gêner.

Stick and ball : séance d’entraînement. 

USPA (United States Polo Association), l’une des trois plus grandes fédération de polo au monde en compagnie de l’HPA (Hurlingham Polo Association) qui est la fédération Britannique, et l’AAP (Asociacion Argentina de Polo) la fédération Argentine.

Vivacité : Les chevaux de polo sont principalement originaires d’Argentine. Leurs qualités premières sont la vivacité et la maniabilité.

Winston Churchill : a déclaré: « Un handicap au polo est votre passeport pour le monde ».

Xuanzong Tang (de la dynastie des Tang), fait parti des nombreux souverains chinois fervents amoureux du polo au VIIIe siècle. Il est dit que ce sport serait né en Asie centrale 2500 ans av. J-C. Il était un empereur qui encourageait les arts et les sports lors de son règne, et appréciait particulièrement regarder les joueurs de polo du haut des pavillons à étages de son palais.

Yards : L’unité anglaise est utilisée au polo. Les fautes commises, ou « foul », sont sanctionnées par des coups francs sur place ou à des distances variant du milieu du terrain, 60 ou 30 yards des goals adverses suivant la gravité de la faute.

Zone de frappe : Zone du terrain où doit se trouver la balle pour un coup donné.